Peut-on garder son médecin traitant en Ehpad ?

L'entrée en EHPAD représente souvent un bouleversement majeur dans la vie d'une personne âgée et de sa famille. Parmi les nombreuses préoccupations qui surgissent, une question revient fréquemment : "Pourrons-nous conserver notre médecin traitant habituel ?" Cette inquiétude est parfaitement légitime, car le médecin traitant représente bien plus qu'un simple professionnel de santé. Il incarne la continuité, la confiance et la connaissance approfondie de l'histoire médicale de votre proche.

Rassurez-vous : garder son médecin traitant en EHPAD est non seulement possible, mais c'est aussi un droit fondamental. Découvrons ensemble les modalités pratiques, les obstacles potentiels et les solutions pour préserver ce lien médical précieux lors de cette transition délicate.

Le droit de conserver son médecin traitant : un principe légal méconnu

Le cadre juridique protecteur

Contrairement aux idées reçues, la loi française est claire sur ce point : toute personne résidant en EHPAD conserve le libre choix de son médecin traitant. Ce principe fondamental est inscrit dans l'article L1110-8 du Code de la santé publique et réaffirmé dans les articles L311-3 à L311-12 du Code de l'action sociale et des familles.

Ce droit s'inscrit plus largement dans la Charte des droits et libertés de la personne âgée dépendante, qui garantit le respect de la dignité et des choix personnels des résidents en établissement.

Selon le site officiel pour-les-personnes-agees.gouv.fr, "chaque résident a un médecin traitant dont il a le libre choix. Vous pouvez donc conserver votre médecin traitant habituel". Cette disposition légale s'applique à tous les établissements, qu'ils soient publics ou privés.

Les obligations de l'établissement

L'EHPAD a des responsabilités précises concernant le maintien du lien avec le médecin traitant :

Respecter le choix du résident : aucun établissement ne peut imposer un changement de médecin traitant
Faciliter les consultations : l'équipe soignante doit organiser les prises de rendez-vous et les transports pour les visites chez le médecin
Permettre l'accès à l'établissement : si le médecin accepte de se déplacer, l'EHPAD doit favoriser sa venue
Assurer la coordination : maintenir un dialogue entre le médecin traitant et l'équipe soignante de l'établissement

Les réalités pratiques : entre droit et contraintes

Les conditions favorables au maintien du médecin traitant

Pour que votre proche puisse conserver son médecin traitant en EHPAD, plusieurs éléments facilitent cette continuité :

La proximité géographique constitue le facteur le plus déterminant. Si l'EHPAD se situe dans un rayon raisonnable du cabinet médical habituel, les chances de maintenir le suivi sont excellentes. Selon les données du CLIC de l'Hérault, 80% des résidents conservent leur médecin traitant lorsque l'établissement se trouve à moins de 15 kilomètres de leur ancien domicile.

L'acceptation du médecin de se déplacer représente le second critère essentiel. De nombreux praticiens acceptent volontiers de poursuivre le suivi de leurs patients en EHPAD, particulièrement quand une relation de confiance s'est établie au fil des années.

Les obstacles fréquemment rencontrés

Malgré le cadre légal protecteur, certaines difficultés peuvent compliquer le maintien du médecin traitant :

Les contraintes de déplacement constituent l'obstacle principal. Tous les médecins n'ont pas la possibilité matérielle de se déplacer régulièrement en établissement, notamment en raison de la pénurie médicale croissante. Les visites en EHPAD demandent plus de temps et sont parfois moins bien valorisées financièrement.

L'organisation interne des établissements peut également poser des défis. Certains EHPAD, pour des raisons pratiques, privilégient des partenariats avec des médecins locaux et peuvent décourager, involontairement, la venue de praticiens "extérieurs".

La méconnaissance des droits reste malheureusement fréquente. Beaucoup de familles pensent, à tort, qu'il est obligatoire d'adopter un nouveau médecin référent à l'entrée en EHPAD.

Le rôle spécifique du médecin coordonnateur

Chaque EHPAD dispose d'un médecin coordonnateur dont les missions sont bien définies mais distinctes de celles du médecin traitant :

Il supervise l'organisation générale des soins dans l'établissement
Il donne son avis sur l'admission des résidents et réalise leur évaluation gérontologique
Il assure l'animation de l'équipe soignante (infirmiers et aides-soignants)
Il peut réaliser des prescriptions médicales en cas d'urgence ou de risques vitaux

Important : le médecin coordonnateur ne remplace pas le médecin traitant. Il peut certes être désigné comme médecin traitant par les résidents qui le souhaitent, mais cette fonction reste optionnelle et ne peut jamais être imposée.

Quand le changement de médecin traitant devient nécessaire

Les situations qui imposent un changement

Dans certains cas, il devient incontournable de désigner un nouveau médecin traitant, même si ce n'était pas le souhait initial :

L'éloignement géographique important rend parfois impossible le maintien du suivi habituel. Si votre proche intègre un EHPAD situé dans une autre région, son médecin ne pourra probablement pas assurer la continuité des soins.

L'indisponibilité du médecin habituel peut également contraindre au changement : départ à la retraite, cessation d'activité, déménagement du praticien, ou simplement impossibilité matérielle de se déplacer régulièrement.

Les besoins médicaux spécialisés peuvent nécessiter un suivi plus rapproché qu'un médecin éloigné ne peut assurer, particulièrement pour les résidents présentant des pathologies complexes ou évolutives.

Comment bien choisir un nouveau médecin traitant

Lorsque le changement s'impose, plusieurs critères doivent guider votre choix :

La disponibilité et la proximité : privilégiez un médecin qui se déplace régulièrement dans l'établissement ou à proximité immédiate.

L'expérience en gériatrie : un praticien familier des problématiques du grand âge sera mieux à même d'adapter sa prise en charge.

La qualité de la relation : même si elle doit se construire, l'écoute et la capacité à rassurer restent essentielles, particulièrement pour des personnes fragilisées par le changement d'environnement.

Assurer une transition en douceur

Le changement de médecin traitant doit s'organiser méthodiquement :

La transmission complète du dossier médical constitue l'étape fondamentale. Antécédents, traitements en cours, allergies, directives anticipées : aucune information ne doit être omise.

Une période d'adaptation permet au nouveau médecin de faire connaissance avec votre proche et d'ajuster si nécessaire sa prise en charge.

Le maintien de la continuité des soins doit être assuré sans interruption, particulièrement pour les traitements chroniques ou les pathologies nécessitant un suivi régulier.

Conseils pratiques pour les familles

Avant l'entrée en EHPAD

Dialoguez avec le médecin traitant actuel pour connaître ses intentions et sa disponibilité. Cette conversation, menée en amont, évite les mauvaises surprises et permet d'anticiper les solutions alternatives si nécessaire.

Vérifiez les modalités avec l'établissement lors des visites de pré-admission. Posez des questions précises sur l'accueil des médecins extérieurs, les jours et horaires autorisés, les espaces de consultation disponibles.

Préparez soigneusement le dossier médical : rassemblez tous les documents récents, ordonnances, résultats d'examens et informations sur les habitudes de soins de votre proche. Notre guide sur le protocole d'entrée en EHPAD vous détaille tous les documents nécessaires. Pour une préparation complète, consultez également notre guide sur l'admission en EHPAD qui vous accompagne dans toutes les démarches.

Négociation avec l'EHPAD

Mettez en avant les bénéfices du maintien du médecin traitant : continuité des soins, connaissance approfondie du patient, relation de confiance établie. Ces arguments sont généralement bien reçus par les équipes soignantes.

Proposez des solutions pratiques : horaires de visite flexibles, regroupement des consultations, utilisation de la télémédecine pour certains suivis.

Connaissez vos droits : en cas de résistance injustifiée de l'établissement, n'hésitez pas à rappeler le cadre légal et à solliciter l'aide du médecin coordonnateur ou de la direction.

Suivi et évaluation

Contrôlez la qualité des soins en maintenant un dialogue régulier avec le médecin traitant et l'équipe soignante de l'EHPAD.

Facilitez la communication entre tous les intervenants : médecin traitant, médecin coordonnateur, infirmières, aides-soignants.

Signalez rapidement les difficultés : problèmes d'organisation, retards dans les soins, défaut de communication. Une intervention précoce permet souvent de résoudre les dysfonctionnements. Pour vous aider dans cette démarche, notre guide sur le dossier d'entrée en EHPAD vous explique comment bien organiser le suivi médical de votre proche.

Les alternatives et solutions innovantes

La télémédecine : une révolution en marche

La télémédecine ouvre de nouvelles perspectives pour maintenir le lien avec le médecin traitant, même à distance. Les consultations vidéo permettent un suivi régulier sans contrainte de déplacement, particulièrement utile pour les renouvellements d'ordonnances ou le suivi de pathologies chroniques stables.

Selon l'Assurance Maladie, les actes de télémédecine pour les résidents d'EHPAD ont augmenté de 120% entre 2019 et 2022, témoignant de l'adoption croissante de ces nouvelles pratiques.

Les réseaux de soins coordonnés

Certaines régions développent des réseaux de soins coordonnés qui facilitent la continuité du suivi médical. Ces partenariats entre médecins permettent d'assurer une prise en charge cohérente même en cas d'indisponibilité ponctuelle du praticien habituel.

Les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS) et les Maisons de santé pluriprofessionnelles participent également à cette coordination, en créant des liens durables entre professionnels de ville et établissements.

Conclusion : préserver le lien de confiance

Garder son médecin traitant en EHPAD n'est pas seulement un droit, c'est aussi un facteur important de bien-être et de qualité de vie pour votre proche. Cette continuité médicale contribue à atténuer le sentiment de rupture souvent ressenti lors de l'entrée en établissement.

La clé du succès réside dans l'anticipation et le dialogue. En préparant soigneusement cette transition, en connaissant vos droits et en maintenant une communication ouverte avec tous les intervenants, vous maximisez les chances de préserver ce lien médical précieux.

N'oubliez pas que vous n'êtes pas seuls dans cette démarche. Les équipes de Zenior sont là pour vous accompagner et vous conseiller dans toutes les étapes de cette transition importante. Ensemble, nous pouvons faire en sorte que l'entrée en EHPAD se déroule dans les meilleures conditions possibles, en préservant ce qui compte le plus : la santé et le bien-être de votre proche.

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