Face à l'évolution de la maladie d'Alzheimer, la question de l'entrée en EHPAD devient souvent inévitable pour assurer la sécurité et le bien-être de la personne atteinte. Cependant, cette transition soulève des questions éthiques et juridiques complexes, particulièrement lorsque la personne concernée refuse ou n'est plus en mesure de donner son consentement. Cet article vous guide à travers les aspects légaux, éthiques et pratiques de cette situation délicate.
Le principe fondamental : le consentement obligatoire
Le cadre légal du consentement
La loi française est claire : une personne âgée ne peut pas être placée en EHPAD contre sa volonté. Ce principe fondamental est inscrit dans la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement, qui stipule qu'une personne âgée en perte d'autonomie a droit à des aides adaptées à ses besoins et à ses ressources, dans le respect de son projet de vie.
Le consentement de la personne concernée est donc un prérequis indispensable à l'entrée en établissement. Cette exigence vise à protéger les droits fondamentaux des personnes âgées et à éviter les situations où elles seraient contraintes d'intégrer un établissement contre leur gré.
Pour mieux comprendre les droits des personnes âgées, consultez la charte des droits et libertés de la personne âgée dépendante, un document de référence essentiel pour la bientraitance des personnes âgées.
L'entretien préalable à l'admission
Lors de l'admission en EHPAD, un entretien préalable est organisé par le directeur de l'établissement ou une personne désignée par celui-ci. Cet entretien doit se dérouler avec la personne âgée seule, afin qu'elle puisse exprimer librement son consentement sans pression extérieure.
Comme le précisent les rapports parlementaires, cette disposition a pour objectif d'« atténuer les pressions subies par des personnes fragilisées que leur entourage souhaite voir accueillies en établissement de retraite alors qu'elles-mêmes préfèrent bénéficier d'un accompagnement à domicile ».
Le médecin coordonnateur de l'EHPAD peut également être sollicité lors de cet entretien pour informer le futur résident de ses droits et s'assurer de sa compréhension.
La maladie d'Alzheimer et le consentement : un défi particulier
Les spécificités liées à la maladie d'Alzheimer
La maladie d'Alzheimer pose un défi particulier en matière de consentement. En effet, cette pathologie neurodégénérative altère progressivement les fonctions cognitives de la personne, affectant sa capacité à prendre des décisions éclairées concernant sa propre prise en charge.
Selon la DREES (Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques), environ 40% des résidents en EHPAD souffrent de la maladie d'Alzheimer ou d'une maladie apparentée. À un stade avancé, cette maladie occasionne de nombreux troubles du comportement et une perte d'autonomie nécessitant une prise en charge complète et une surveillance constante, situation difficile à gérer à domicile malgré les aides disponibles.
Pour explorer les différentes options d'hébergement adaptées, consultez notre guide sur les solutions d'hébergement pour un malade Alzheimer.
Évaluer la capacité à consentir
L'évaluation de la capacité à consentir d'une personne atteinte d'Alzheimer est une étape cruciale. Cette évaluation doit être réalisée par des professionnels de santé, généralement le médecin traitant ou un médecin spécialiste, qui peuvent déterminer si la personne est en mesure de comprendre les informations qui lui sont données et de prendre une décision éclairée.
Il est important de noter que la maladie d'Alzheimer évolue par phases, avec des périodes de lucidité alternant parfois avec des moments de confusion. L'évaluation doit donc être réalisée avec discernement, en tenant compte de ces fluctuations.
Les alternatives légales face au refus ou à l'incapacité de consentir
Les mesures de protection juridique
Lorsqu'une personne atteinte d'Alzheimer n'est plus en mesure de prendre des décisions concernant sa prise en charge, plusieurs dispositifs de protection juridique peuvent être mis en place :
- Le mandat de protection future : Ce dispositif permet à une personne d'anticiper sa future dépendance en désignant à l'avance la personne qui sera chargée de s'occuper de ses affaires le jour où elle ne pourra plus le faire elle-même. Il est particulièrement adapté aux personnes diagnostiquées à un stade précoce de la maladie d'Alzheimer. Pour en savoir plus, consultez notre guide sur le mandat de protection future.
- La sauvegarde de justice : Mesure temporaire (un an renouvelable une fois), elle est souvent mise en place en urgence. Un médecin peut la demander en passant par le procureur de la République lorsqu'il constate l'altération des facultés du senior.
- La curatelle : Système d'assistance où le curateur aide la personne dans certains actes de la vie civile, sans se substituer à elle. Il existe trois formes de curatelle (simple, aménagée, renforcée) selon le degré de soutien nécessaire. Pour plus d'informations, consultez notre guide sur la curatelle simple.
- La tutelle : Mesure de protection la plus complète, où le tuteur représente la personne dans tous les actes de la vie civile. Elle est généralement mise en place lorsque la personne ne peut plus effectuer ses activités quotidiennes comme se laver ou s'habiller convenablement. Pour comprendre cette mesure en détail, consultez notre guide sur la tutelle.
- L'habilitation familiale : Introduite plus récemment, elle permet à un membre de la famille (descendants, ascendants, frères, sœurs, conjoint ou partenaire de PACS) de prendre des décisions au nom d'un proche atteint de démence, avec une intervention minimale du juge après la mise en place de la mesure. Découvrez les inconvénients de l'habilitation familiale pour faire un choix éclairé.
Le rôle du juge des contentieux de la protection
Même lorsqu'une personne est sous tutelle, le tuteur ne peut pas décider seul de son placement en EHPAD si elle s'y oppose. Dans ce cas, le tuteur doit saisir le juge des contentieux de la protection (anciennement juge des tutelles) qui est le seul habilité à autoriser un tel placement.
Cette saisine doit être accompagnée d'un certificat médical attestant de la nécessité d'un placement en établissement. Le juge prend alors sa décision en tenant compte de l'intérêt de la personne protégée, après l'avoir entendue si possible.
Comme le précise l'article 459 du Code Civil, « sauf urgence, la personne chargée de la protection du majeur ne peut, sans l'autorisation du juge, prendre une décision ayant pour effet de porter gravement atteinte à l'intégrité corporelle de la personne protégée ou à l'intimité de sa vie privée ».
Pour plus d'informations sur cette procédure, consultez notre guide Peut-on mettre sous tutelle sans l'accord de la personne ?.
Situations d'urgence et procédures exceptionnelles
Le signalement au procureur de la République
Dans certaines situations d'urgence, notamment lorsque la personne atteinte d'Alzheimer représente un danger pour elle-même ou pour autrui, il est possible de faire un signalement au procureur de la République. Ce dernier peut alors saisir le juge des contentieux de la protection pour demander la mise en place d'une mesure de protection en urgence.
Cette procédure doit être étayée par un certificat médical circonstancié, établi par un médecin inscrit sur la liste du procureur, attestant de l'état de santé de la personne et de la nécessité d'une protection juridique.
Si vous êtes confronté à une situation d'urgence, notre guide sur la mise sous tutelle en urgence pourrait vous être utile.
L'hospitalisation comme transition
Dans certains cas, une hospitalisation peut servir de transition avant l'entrée en EHPAD. Si, lors de l'hospitalisation, les médecins constatent que le retour à domicile n'est pas envisageable en raison de l'état de santé de la personne, ils peuvent initier une demande de protection juridique auprès du procureur de la République.
Cette solution permet de gérer l'urgence tout en respectant les procédures légales nécessaires à la protection des droits de la personne concernée.
Approches pratiques pour faciliter l'acceptation
Le séjour temporaire comme solution transitoire
Face au refus d'une personne atteinte d'Alzheimer d'entrer en EHPAD, le séjour temporaire peut constituer une alternative intéressante. De nombreux établissements proposent des formules d'hébergement allant de quelques jours à plusieurs mois, dans les mêmes conditions que les séjours permanents.
Cette solution permet à la personne de découvrir l'environnement de l'EHPAD, de s'habituer progressivement à ce nouveau cadre de vie et d'en percevoir les avantages. Elle peut ainsi faciliter l'acceptation d'une entrée définitive ultérieure.
L'importance de l'accompagnement psychologique
L'accompagnement psychologique de la personne atteinte d'Alzheimer est essentiel pour faciliter son acceptation de l'entrée en EHPAD. Cet accompagnement peut être réalisé par des professionnels (psychologues, médecins) mais aussi par les proches, qui jouent un rôle crucial dans cette transition.
Il est important d'aborder le sujet avec empathie, patience et respect, en expliquant clairement les raisons qui motivent cette décision et en rassurant la personne sur le maintien des liens familiaux après son entrée en établissement.
Aspects éthiques et responsabilités familiales
Trouver l'équilibre entre sécurité et liberté
La décision de placer un proche atteint d'Alzheimer en EHPAD sans son consentement soulève d'importantes questions éthiques. Il s'agit de trouver un équilibre délicat entre le respect de l'autonomie de la personne et la nécessité d'assurer sa sécurité et son bien-être.
Les familles se trouvent souvent tiraillées entre le désir de respecter les souhaits de leur proche et la conscience des risques liés au maintien à domicile lorsque la maladie progresse. Cette tension peut générer un sentiment de culpabilité difficile à gérer.
Pour les personnes atteintes d'Alzheimer nécessitant un environnement sécurisé, les unités protégées Alzheimer offrent un cadre adapté avec un personnel formé spécifiquement.
Le rôle de la personne de confiance
La désignation d'une personne de confiance peut faciliter la prise de décision concernant l'entrée en EHPAD. Cette personne, choisie par le malade lui-même lorsqu'il est encore en capacité de le faire, pourra témoigner de ses volontés et l'accompagner dans ses démarches.
Le directeur de l'EHPAD doit informer la personne âgée de la possibilité de désigner une personne de confiance préalablement à l'entretien d'admission. Si la personne a déjà désigné une personne de confiance lors d'un séjour dans un autre établissement, ces informations doivent être transmises au nouvel EHPAD.
Conclusion : une décision complexe nécessitant un accompagnement adapté
L'entrée en EHPAD d'une personne atteinte d'Alzheimer sans son consentement est une situation complexe qui nécessite de naviguer entre cadre légal, considérations éthiques et réalités pratiques. Si la loi pose le principe fondamental du consentement obligatoire, elle prévoit également des mécanismes permettant de protéger les personnes qui ne sont plus en mesure de prendre des décisions éclairées concernant leur prise en charge.
Face à cette situation, l'accompagnement par des professionnels (médecins, assistants sociaux, juristes) est essentiel pour guider les familles dans les démarches à entreprendre et les aider à prendre les décisions les plus adaptées à la situation de leur proche.
Il est également important de rappeler que l'objectif premier de ces démarches reste le bien-être et la sécurité de la personne atteinte d'Alzheimer, dans le respect de sa dignité et de ses droits fondamentaux.
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