Mise sous tutelle sans consentement : procédure et cadre légal
Lorsqu'un proche âgé perd progressivement ses capacités mentales ou physiques, la question de sa protection juridique peut devenir une préoccupation majeure pour l'entourage familial. La mise sous tutelle sans le consentement de la personne concernée est une démarche encadrée par la loi qui suscite souvent des interrogations. Cet article vous présente les conditions, la procédure et les conséquences d'une telle mesure.
Qu'est-ce que la tutelle et quand est-elle nécessaire ?
La tutelle est une mesure de protection juridique destinée aux personnes majeures qui ne peuvent plus pourvoir seules à leurs intérêts en raison d'une altération de leurs facultés mentales ou physiques. Cette mesure implique la désignation d'un tuteur qui représentera la personne protégée dans les actes de la vie civile.
Selon l'article 425 du Code civil, une personne peut bénéficier d'une mesure de protection juridique lorsqu'elle se trouve "dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté".
La tutelle est la mesure de protection la plus contraignante. Elle n'est prononcée que si d'autres mesures moins restrictives (comme la sauvegarde de justice ou la curatelle) ne peuvent assurer une protection suffisante.
Le principe de nécessité et de subsidiarité
La loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs a instauré des principes fondamentaux qui encadrent strictement les mesures de protection :
- Le principe de nécessité : l'article 428 du Code civil dispose que la mesure de protection "ne peut être ordonnée par le juge qu'en cas de nécessité". Une altération des facultés doit être médicalement constatée.
- Le principe de subsidiarité : la tutelle ne peut être mise en place que s'il est impossible de protéger suffisamment la personne par d'autres moyens moins contraignants (règles de la représentation entre époux, mandat de protection future, curatelle, etc.).
- Le principe de proportionnalité : la mesure doit être "proportionnée et individualisée en fonction du degré d'altération des facultés personnelles de l'intéressé".
Qui peut demander une mise sous tutelle ?
La demande de mise sous tutelle peut être initiée par :
- La personne à protéger elle-même
- Son conjoint, partenaire de PACS ou concubin (sauf si la vie commune a cessé)
- Un parent ou allié
- Une personne entretenant des liens étroits et stables avec le majeur
- Le procureur de la République, soit d'office, soit à la demande d'un tiers
La procédure de mise sous tutelle sans consentement
1. Constitution du dossier
Pour entamer une procédure de mise sous tutelle, il faut constituer un dossier comprenant :
- Le formulaire Cerfa n°15891*03 (requête en vue d'une protection juridique d'un majeur)
- Un certificat médical circonstancié établi par un médecin inscrit sur la liste du procureur de la République
- Une copie intégrale de l'acte de naissance de la personne à protéger (de moins de 3 mois)
- Une copie de la pièce d'identité du demandeur
- Tout document justifiant de la situation familiale, financière et patrimoniale de la personne à protéger
Le certificat médical est une pièce essentielle du dossier. Il doit être rédigé par un médecin agréé et coûte environ 160 euros (non remboursés par la sécurité sociale). Ce document doit décrire précisément l'altération des facultés de la personne et son évolution prévisible.
Pour plus d'informations sur cette étape cruciale, consultez notre guide sur l'expertise psychiatrique pour mise sous tutelle.
2. Dépôt de la demande
La demande doit être adressée au juge des contentieux de la protection (ancien juge des tutelles) du tribunal judiciaire du lieu de résidence habituelle de la personne à protéger.
3. Instruction de la demande
Une fois la demande déposée, le juge procède à l'instruction du dossier :
- Il convoque et auditionne la personne à protéger, sauf si cela est préjudiciable à sa santé ou si elle est dans l'impossibilité d'exprimer sa volonté
- La personne peut être accompagnée d'un avocat ou, avec l'accord du juge, d'une personne de son choix
- Le juge peut également entendre les proches de la personne à protéger
- Il s'assure de l'adhésion ou de l'absence d'opposition légitime des proches à la mesure
4. Décision du juge
Après avoir examiné tous les éléments, le juge rend sa décision. S'il accorde la tutelle, il en fixe la durée (5 ans maximum, renouvelable, ou jusqu'à 10 ans si l'altération des facultés n'est pas susceptible d'amélioration) et désigne un tuteur.
Que se passe-t-il si la personne refuse l'examen médical ?
Si la personne concernée refuse de se soumettre à l'examen médical nécessaire à l'établissement du certificat, cela complique la procédure. En effet, sans ce certificat, le juge ne peut pas prononcer de mesure de protection.
Contrairement à la jurisprudence antérieure à la loi de 2007, les juges appliquent désormais strictement les textes qui soumettent l'ouverture d'un régime de protection à l'évaluation médicale du majeur. Ils refusent qu'un majeur soit placé d'office sous régime de protection sans certificat médical, au nom des principes fondamentaux régissant les droits des personnes.
Dans ce cas, il peut être nécessaire de trouver d'autres solutions pour protéger la personne, comme une mesure d'accompagnement social personnalisé (MASP) ou une mesure d'accompagnement judiciaire (MAJ).
Les conséquences de la mise sous tutelle
Pour la personne protégée
La personne placée sous tutelle perd une grande partie de son autonomie juridique :
- Elle est représentée par son tuteur dans la plupart des actes de la vie civile
- Le tuteur gère ses biens et son patrimoine
- Certaines décisions importantes nécessitent l'autorisation du juge (vente d'un bien immobilier, placement financier important, etc.)
Toutefois, la personne protégée conserve certains droits fondamentaux :
- Elle peut accomplir seule certains actes strictement personnels (reconnaissance d'un enfant, consentement à sa propre adoption, etc.)
- Elle peut voter (depuis la loi du 23 mars 2019)
- Elle peut se marier ou conclure un PACS avec l'information préalable du tuteur
- Elle peut rédiger un testament avec l'autorisation du juge
Pour le tuteur
Le tuteur a des responsabilités importantes :
- Il doit établir un inventaire des biens de la personne protégée dans les trois mois suivant sa nomination
- Il doit rendre compte annuellement de sa gestion au juge
- Il doit agir dans l'intérêt exclusif de la personne protégée
- Il ne peut pas accomplir certains actes (comme acheter les biens de la personne protégée ou se faire consentir une donation)
Si le tuteur est un membre de la famille, il peut être confronté à des situations délicates. Pour en savoir plus, consultez notre article sur les conflits familiaux lors d'une mise sous tutelle.
Dans certains cas, un mandataire judiciaire à la protection des majeurs peut être désigné comme tuteur professionnel.
La personne sous tutelle a droit à un "argent de poche" pour ses dépenses personnelles. Pour en savoir plus sur ce sujet, consultez notre guide sur le montant d'argent de poche pour une personne sous tutelle.
La fin de la mesure de tutelle
La tutelle prend fin :
- À l'expiration du délai fixé par le juge, en l'absence de renouvellement
- Par un jugement de mainlevée, si la protection n'est plus nécessaire
- Au décès de la personne protégée
Alternatives à la tutelle
Si la tutelle vous semble trop contraignante, d'autres mesures de protection peuvent être envisagées :
- La curatelle, moins restrictive que la tutelle
- L'habilitation familiale, bien qu'elle présente certains inconvénients
- Le mandat de protection future, qui permet d'anticiper sa propre protection
Pour choisir la mesure la plus adaptée, consultez notre comparatif curatelle ou tutelle.
Conclusion
La mise sous tutelle sans le consentement de la personne concernée est une mesure grave qui ne doit être envisagée qu'en dernier recours, lorsque d'autres solutions moins contraignantes ne permettent pas d'assurer une protection suffisante. Elle est strictement encadrée par la loi pour garantir le respect des droits fondamentaux de la personne vulnérable.
Si vous envisagez une telle démarche pour un proche, il est recommandé de vous faire accompagner par un avocat spécialisé en droit de la famille ou en droit des personnes vulnérables, qui pourra vous guider tout au long de la procédure.
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