Lorsqu'une personne âgée placée sous tutelle doit entrer en EHPAD, la question du financement de son séjour devient souvent source d'inquiétude et de confusion. Qui doit payer ? Le tuteur ? La famille ? L'État ? Les règles qui encadrent cette situation sont complexes et méritent d'être clarifiées pour éviter les malentendus. Cet article vous explique en détail les mécanismes de financement du séjour en EHPAD d'une personne sous tutelle et les responsabilités de chacun.
Les principes fondamentaux du financement d'un EHPAD pour une personne sous tutelle
La personne sous tutelle reste le premier payeur
Le premier principe à comprendre est que la mise sous tutelle ne modifie pas la règle fondamentale : c'est la personne âgée elle-même qui doit, en priorité, financer son séjour en EHPAD avec ses propres ressources. La mesure de tutelle ne fait que transférer la gestion de ces ressources au tuteur, sans changer la responsabilité financière du majeur protégé.
Concrètement, le tuteur doit utiliser les revenus et, si nécessaire, le patrimoine de la personne protégée pour régler les frais d'hébergement en EHPAD. Ces ressources comprennent :
- Les pensions de retraite
- Les revenus locatifs éventuels
- Les revenus de placements financiers
- Les allocations diverses (APA, APL, etc.)
- Si nécessaire, les liquidités disponibles sur les comptes bancaires
- En dernier recours, la vente de biens mobiliers ou immobiliers (avec autorisation du juge)
Le tuteur a l'obligation légale de gérer les biens du majeur protégé dans son intérêt exclusif. Le paiement des frais d'hébergement en EHPAD constitue une dépense prioritaire, car elle répond aux besoins essentiels de la personne.
💡 Pour en savoir plus sur les responsabilités du tuteur, consultez notre guide sur la tutelle et ses implications.
Le rôle du tuteur dans la gestion financière
Le tuteur, qu'il soit un membre de la famille ou un professionnel (mandataire judiciaire à la protection des majeurs), a plusieurs responsabilités concernant le financement du séjour en EHPAD :
- Établir un budget prenant en compte les ressources et les charges de la personne protégée, avec les frais d'EHPAD comme dépense prioritaire
- Demander toutes les aides financières auxquelles la personne peut prétendre (APA, aide sociale, APL, etc.)
- Régler les factures de l'EHPAD, généralement par prélèvement automatique ou virement mensuel
- Veiller à ce que la personne conserve une somme minimale pour ses dépenses personnelles (le "reste à vivre" ou "argent de poche")
- Rendre des comptes annuels au juge des tutelles, détaillant l'utilisation des ressources, notamment pour le financement de l'EHPAD
- Solliciter l'autorisation du juge pour certaines décisions importantes, comme la vente d'un bien immobilier pour financer le séjour
Il est important de noter que le tuteur n'est pas personnellement responsable du paiement des frais d'EHPAD. Il agit uniquement comme gestionnaire des ressources de la personne protégée.
💡 Consultez notre guide Où va l’argent d’une personne sous tutelle ?
Les aides financières mobilisables pour une personne sous tutelle
L'Allocation Personnalisée d'Autonomie (APA) en établissement
L'APA est une aide essentielle pour les personnes dépendantes en EHPAD. Pour une personne sous tutelle, c'est le tuteur qui doit effectuer la demande auprès du conseil départemental. Cette allocation permet de couvrir une partie du tarif dépendance facturé par l'établissement.
Points importants concernant l'APA pour une personne sous tutelle :
- Le niveau de dépendance (GIR) est évalué par le médecin coordonnateur de l'EHPAD
- Le montant de l'APA varie selon le GIR (de 1 à 4) et les ressources de la personne
- L'APA n'est pas récupérable sur succession, ce qui en fait une aide particulièrement intéressante
- Le tuteur doit veiller à ce que la demande soit renouvelée si nécessaire
Pour plus de détails sur le fonctionnement de l'APA en EHPAD, consultez notre guide complet sur l'APA en EHPAD.
Les aides au logement (APL ou ALS)
Les personnes hébergées en EHPAD peuvent bénéficier d'aides au logement :
- L'Aide Personnalisée au Logement (APL) pour les établissements conventionnés
- L'Allocation de Logement Sociale (ALS) pour les établissements non conventionnés
Le tuteur doit effectuer cette demande auprès de la CAF ou de la MSA. Le montant de l'aide dépend des ressources de la personne, du montant du loyer et de la localisation de l'établissement. Ces aides sont versées directement à l'établissement dans la plupart des cas, et viennent en déduction du tarif hébergement.
L'aide sociale à l'hébergement (ASH)
Lorsque les ressources de la personne sous tutelle sont insuffisantes pour couvrir les frais d'EHPAD, même après mobilisation des aides précédentes, le tuteur peut solliciter l'aide sociale à l'hébergement (ASH) auprès du conseil départemental.
Points essentiels concernant l'ASH pour une personne sous tutelle :
- L'établissement doit être habilité à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale
- La demande doit être effectuée par le tuteur, avec l'accord du juge des tutelles si nécessaire
- Les ressources de la personne (à l'exception d'une somme minimale laissée à sa disposition) sont affectées au paiement des frais d'hébergement
- L'ASH est récupérable sur succession, donation et retour à meilleure fortune
- Le département peut solliciter les obligés alimentaires (enfants, petits-enfants) pour contribuer aux frais
Le tuteur doit être particulièrement vigilant concernant l'ASH, car cette aide implique des conséquences patrimoniales importantes, notamment en termes de récupération sur succession.
Les obligations alimentaires et la contribution des proches
La mise sous tutelle ne supprime pas l'obligation alimentaire qui pèse sur les descendants (enfants et petits-enfants) de la personne âgée. Si les ressources de la personne sous tutelle sont insuffisantes pour couvrir les frais d'EHPAD, le tuteur peut être amené à solliciter la contribution des obligés alimentaires.
Cette démarche peut être effectuée :
- À l'amiable, par une concertation familiale organisée par le tuteur
- Dans le cadre d'une demande d'aide sociale à l'hébergement, le département répartissant la charge entre les obligés alimentaires
- Par voie judiciaire, le tuteur saisissant le juge aux affaires familiales pour fixer la contribution de chacun
Il est important de noter que le conjoint n'est pas considéré comme un obligé alimentaire, mais est tenu à un devoir de secours qui peut également être mis en œuvre pour contribuer aux frais d'EHPAD.
Pour plus d'informations sur les obligations alimentaires, consultez notre article sur les obligations alimentaires envers les parents âgés.
La gestion des ressources et du patrimoine par le tuteur
L'utilisation des revenus courants
Les revenus courants de la personne sous tutelle (pensions de retraite, allocations, revenus locatifs, etc.) constituent la première source de financement du séjour en EHPAD. Le tuteur doit les affecter prioritairement au paiement des frais d'hébergement, tout en veillant à ce que la personne conserve une somme minimale pour ses dépenses personnelles.
Ce "reste à vivre" ou "argent de poche" est fixé par la loi à 10% des ressources mensuelles, avec un minimum de 120 euros par mois en 2025 (pour les bénéficiaires de l'aide sociale). Le tuteur doit mettre cette somme à disposition de la personne protégée, selon des modalités adaptées à sa situation (remise en espèces, compte dédié, etc.).
Pour en savoir plus sur le montant d'argent de poche laissé à disposition d'une personne sous tutelle, consultez notre article sur le montant d'argent de poche pour une personne sous tutelle.
La mobilisation du patrimoine
Lorsque les revenus courants sont insuffisants pour couvrir les frais d'EHPAD, le tuteur peut être amené à mobiliser le patrimoine de la personne protégée, avec l'autorisation du juge des tutelles :
- Utilisation de l'épargne disponible : Le tuteur peut puiser dans les livrets d'épargne, comptes à terme ou autres placements liquides pour compléter le financement.
- Vente de biens mobiliers : Les biens mobiliers de valeur (bijoux, œuvres d'art, véhicules, etc.) peuvent être vendus, après autorisation du juge.
- Vente de biens immobiliers : En dernier recours, le logement ou d'autres biens immobiliers peuvent être vendus. Cette décision requiert l'autorisation expresse du juge des tutelles et doit être prise dans l'intérêt exclusif de la personne protégée.
- Mise en location du logement : Si la personne possède un logement inoccupé, sa mise en location peut générer des revenus complémentaires pour financer l'EHPAD.
Il est essentiel que le tuteur respecte les procédures légales pour ces opérations patrimoniales, sous peine d'engager sa responsabilité personnelle.
Les autorisations nécessaires du juge des tutelles
Certaines décisions financières importantes nécessitent l'autorisation préalable du juge des tutelles :
- La vente d'un bien immobilier
- La souscription d'un prêt ou d'un crédit
- La résiliation du bail du logement principal
- L'acceptation pure et simple d'une succession
- La conclusion d'une transaction ou d'un compromis
Pour obtenir ces autorisations, le tuteur doit adresser une requête motivée au juge, expliquant en quoi la décision est nécessaire pour financer le séjour en EHPAD et sert l'intérêt de la personne protégée.
Situations particulières et difficultés fréquentes
Que faire en cas de ressources insuffisantes ?
Lorsque les ressources de la personne sous tutelle sont manifestement insuffisantes pour couvrir les frais d'EHPAD, plusieurs solutions peuvent être envisagées par le tuteur :
- Rechercher un établissement moins onéreux, tout en veillant à ce qu'il réponde aux besoins de la personne
- Solliciter l'aide sociale à l'hébergement, si l'établissement est habilité
- Demander la contribution des obligés alimentaires, à l'amiable ou par voie judiciaire
- Explorer des solutions alternatives à l'EHPAD, comme l'accueil familial ou les résidences autonomie, si l'état de santé de la personne le permet
- Solliciter des aides exceptionnelles auprès des caisses de retraite, mutuelles ou fondations
Le tuteur doit documenter toutes ses démarches et en rendre compte au juge des tutelles, notamment si la situation financière devient critique.
Les impayés et leurs conséquences
En cas d'impayés persistants, l'EHPAD peut engager des procédures de recouvrement qui peuvent aboutir, dans les cas extrêmes, à une demande de résiliation du contrat de séjour. Pour éviter d'en arriver là, le tuteur doit :
- Anticiper les difficultés financières et alerter l'établissement dès que possible
- Négocier un échéancier de paiement avec l'EHPAD
- Solliciter en urgence les aides disponibles, notamment l'aide sociale à l'hébergement
- Informer le juge des tutelles de la situation et demander ses directives
- Contacter les obligés alimentaires pour solliciter leur contribution
Il est important de noter que l'EHPAD ne peut pas expulser un résident pour des raisons financières sans décision de justice, et que des solutions sont généralement recherchées pour éviter d'en arriver à cette extrémité.
Le changement d'EHPAD pour des raisons financières
Si les frais d'un EHPAD deviennent trop lourds pour les ressources de la personne sous tutelle, le tuteur peut envisager un changement d'établissement. Cette décision doit être prise avec précaution :
- Évaluer l'impact psychologique d'un déménagement sur la personne protégée
- Consulter l'équipe médicale sur la faisabilité d'un transfert
- Rechercher un établissement adapté aux besoins de la personne et à ses ressources
- Obtenir l'autorisation du juge des tutelles si nécessaire
- Préparer soigneusement la transition pour minimiser le stress
Le tuteur doit toujours privilégier l'intérêt et le bien-être de la personne protégée, même si des considérations financières entrent en jeu.
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Conseils pratiques pour les tuteurs et les familles
Anticiper les besoins financiers
Pour éviter les situations d'urgence, il est recommandé aux tuteurs d'anticiper les besoins financiers liés à l'hébergement en EHPAD :
- Établir un budget prévisionnel dès l'entrée en établissement, en tenant compte de l'évolution probable des tarifs
- Constituer si possible une réserve financière pour faire face aux imprévus
- Évaluer régulièrement l'adéquation entre les ressources et les dépenses
- Anticiper les démarches de renouvellement des aides (APA, aide sociale, etc.)
- Informer le juge des tutelles de toute difficulté financière prévisible
Cette anticipation permet d'éviter les ruptures de paiement et de préserver la sérénité de la personne protégée.
Maintenir une communication transparente
Une communication claire et régulière entre tous les acteurs est essentielle :
- Avec l'EHPAD : Le tuteur doit informer l'établissement de la situation financière de la personne et des démarches entreprises pour assurer le paiement.
- Avec la famille : Même si le tuteur est le seul décisionnaire, il est souvent utile d'informer la famille des décisions prises concernant le financement du séjour.
- Avec le juge des tutelles : Le tuteur doit rendre compte régulièrement de sa gestion et solliciter des directives en cas de difficulté.
- Avec les services sociaux : Une bonne communication avec les services du département facilite l'obtention et le renouvellement des aides.
Cette transparence permet d'éviter les malentendus et de mobiliser toutes les ressources disponibles pour assurer le bien-être de la personne protégée.
Se faire accompagner par des professionnels
Face à la complexité des règles de financement et des procédures, le tuteur ne doit pas hésiter à se faire accompagner :
- Les services sociaux de l'EHPAD peuvent fournir des informations précieuses sur les aides disponibles et les démarches à effectuer.
- Les associations tutélaires proposent souvent un soutien aux tuteurs familiaux.
- Les CCAS (Centres Communaux d'Action Sociale) peuvent orienter vers les dispositifs d'aide appropriés.
- Les notaires et avocats spécialisés peuvent conseiller sur les aspects patrimoniaux et successoraux.
Cet accompagnement permet au tuteur de prendre les décisions les plus adaptées à la situation de la personne protégée.
Conclusion
Le financement du séjour en EHPAD d'une personne sous tutelle repose sur un principe fondamental : c'est la personne elle-même qui doit, en priorité, assumer cette charge avec ses propres ressources, gérées par son tuteur. Ce dernier a la responsabilité de mobiliser toutes les aides disponibles (APA, aide au logement, aide sociale) et, si nécessaire, de solliciter la contribution des obligés alimentaires.
La gestion financière d'un séjour en EHPAD pour une personne sous tutelle nécessite rigueur, anticipation et connaissance des dispositifs d'aide. Le tuteur doit toujours agir dans l'intérêt exclusif de la personne protégée, en veillant à préserver sa dignité et sa qualité de vie, tout en respectant les obligations légales de rendre compte au juge des tutelles.
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